Nietzsche et le Devoir
Imaginez un homme dont le tempérament soit une réaction perpétuelle aux excitations extérieures et qui ne soit composé que de jugements et de sentiments qu'on lui a inculqués, concevez que cet homme soit le produit nécessaire, la résultante mobile d'une « société » présente ou passée; [...] concevez que ce soit une réaction, où toute initiative, toute spontanéité soient supprimées, comme est l'aiguille aimantée lorsqu'elle répond à l'influence magnétique, vous aurez le type de la vertu, tel que le conçoivent presque tous les moralistes; vous aurez ce que, pour comble d'éloge, ils appellent « l'homme du devoir ». Il s'agit bien moins pour eux, en effet, de votre but particulier que du but social, et leur secret idéal, c'est de vous rendre le plus tôt possible un pantin, dont un fil tenu par la société ferait mouvoir tous les membres! — En quel cas la moralité est-elle la plus haute chez l'individu? Lorsqu'il observe le mieux la loi! Mais qu'est-ce qu'observer la loi ? C'est l'obéissance à un code traditionnel de préceptes et d'opinions. Est-ce à la raison que l'on obéit? Non, la véritable moralité consiste à « sacrifier sa volonté propre ».
Nietzsche, La Volonté de puissance, §248La morale du devoir impose d'obéir à des règles extérieures au nom d'une autorité supérieure (Dieu, Raison, société).
Cette soumission à des règles extérieures nie la volonté propre et étouffe les instincts vitaux de l'individu.
Donc la morale du devoir est un symptôme de décadence qui empêche l'affirmation créatrice de la vie et l'avènement du surhomme.
Opposition entre une morale aristocratique affirmative de la vie (maîtres) et une morale réactive fondée sur le ressentiment (esclaves).
Méthode critique qui retrace l'origine historique et psychologique des valeurs morales pour en dévoiler les motivations cachées.
Force créatrice qui cherche à s'affirmer et à se dépasser continuellement, principe fondamental de la vie.
Dépassement des catégories morales traditionnelles pour créer de nouvelles valeurs qui affirment la vie.
L'impératif catégorique a une odeur de cruauté... [...] Pour qu'on puisse établir cet idéal, il a fallu qu'on cherchât à nier l'origine opposée, la provenance de cet idéal dans la sensualité, la cupidité, l'envie, la soif de domination et de vengeance. On haïssait le non-désintéressement. [...] Ne serait-il pas permis de soupçonner d'abord que le besoin qui a créé la morale fut un besoin terrible? L'homme qui, en l'absence de témoins extérieurs, ne s'échaufferait pas au spectacle de sa misère, l'homme qui ne voudrait pas être ému, agité, soulevé au-delà de lui-même par sa propre pitié, sourd et dédaigneux dans les cris de la souffrance, l'homme insensible, héroïque et silencieux que la culture grecque a cherché à créer, un tel homme ne serait-il pas un cœur sans pitié?
Nietzsche, Aurore, §30Complétez les définitions avec les termes proposés :
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La volonté de puissance est chez Nietzsche une qui anime tous les êtres vivants et les pousse à s'affirmer.
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La morale des esclaves est une morale née du ressentiment des faibles envers les forts.
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La généalogie de la morale est une méthode qui examine l'origine des valeurs morales.
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La transvaluation des valeurs consiste à les valeurs morales traditionnelles.
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Selon Nietzsche, à quoi compare-t-il l'homme du devoir dans le texte ?
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Qu'est-ce qui constitue, selon les moralistes critiqués par Nietzsche, la plus haute moralité ?
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D'après le texte, en quoi consiste la "véritable moralité" selon les défenseurs du devoir ?
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Quelle opposition Nietzsche établit-il entre la raison et l'obéissance morale ?
A) Le devoir est l'expression de notre liberté rationnelle
B) Le devoir est une invention des faibles pour dominer les forts
C) L'impératif catégorique est un principe moral universel
D) La morale du devoir est symptôme de décadence
E) Agir par devoir donne une valeur morale à l'action
F) Il faut dépasser les catégories morales du bien et du mal
KANT
NIETZSCHE